DÉFENDRE UN SAVOIR-FAIRE TRADITIONNEL EN VOIE D’EXTINCTION

Depuis des siècles, la chicorée sauvage est consommée dans cette région, qui bénéficie de sols lourds et riches en minéraux, ainsi que de températures fluctuantes descendant en dessous de zéro pendant plusieurs semaines.

Ces plantes ont été élevées au rang de produit d’exception grâce à une sélection minutieuse, à la transmission des savoirs traditionnels et à l’élaboration d’un procédé de culture innovant : le forçage. Après une première phase de croissance en plein air, les producteurs replantaient leurs chicorées dans l’obscurité, immergées dans de la terre, de l’eau de source ou du sable. Le forçage déclenchait une nouvelle croissance sans photosynthèse, donnant naissance à des têtes denses en nutriments, douces-amères et fermes. Au début du 20ᵉ siècle, des expositions entières mettaient ces qualités à l’honneur.

Mais aujourd’hui, une autre réalité prévaut. La plupart des producteurs choisissent des variétés modernes conçues pour blanchir naturellement dans les champs. Cela se traduit par des rendements accrus, mais une saveur affaiblie dans des têtes ternes ou excessivement amères.

LE GOÛT D’ABORD

Il y a dix ans, nous avons découvert les chicorées d’Antonello sur le marché de Lusia en Vénétie. De leurs teintes éclatantes à leurs têtes denses, nous avons immédiatement identifié une qualité qui témoigne d’un savoir-faire inégalé en matière de culture et de techniques de forçage. Depuis lors, nous avons établi des liens avec plusieurs petits producteurs traditionnels qui persévèrent malgré les obstacles : Luca, Damiano et Graziano.

Cette année, au-delà des préoccupations liées au rendement, c’est le changement climatique qui met en péril la production. Les hivers de plus en plus doux entraînent un décalage dans l’apparition des gelées rigoureuses, essentielles au processus, qui surviennent plus tard et moins fréquemment. C’est ainsi qu’Antonello n'a pas pu cultiver l'une de ses variétés habituelles, le Castelfranco, pour deux des trois dernières saisons, en 2022 et 2024.

C'EST LE MOMENT D'AGIR

C’est une raison de plus pour laquelle il est crucial de soutenir ces producteurs traditionnels. Seuls quelques cultivateurs dans le monde continuent de pratiquer ces méthodes intensives en main-d’œuvre ; les radicchios forcés traditionnels risquent de disparaître en l’espace d’une génération. Nous mettons tout en œuvre pour éviter ce scénario, en nous approvisionnant directement auprès de ces cultivateurs et en encourageant les producteurs d’autres régions à s’approprier ces techniques.